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Futuroscopie - Les paradoxes du tourisme de luxe : vers plus de durable et responsable 🔑

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


Pendant que l’on déplore la stagnation du taux de départ en vacances, autour de 70% selon les comptabilités, l’on se réjouit de l’essor du tourisme de luxe et de ses clientèles. Une situation paradoxale à première vue, mais parfaitement conforme aux systèmes économiques des pays développés où les inégalités se creusent de plus en plus entre « riches » et « pauvres ». Mais, si le tourisme de luxe en fait parfois trop et tend à dénaturer certaines destinations, force est de constater que les riches du « new money » ont fait évoluer leurs demandes et leurs codes et ne veulent plus avoir l’air aussi riches qu’auparavant. De quoi produire un tourisme plus durable et responsable. Une tendance qui n’a rien de nouveau mais qui se confirme…


Rédigé par le Mercredi 31 Août 2022

Si le tourisme de luxe en fait parfois trop et tend à dénaturer certaines destinations, force est de constater que les riches du « new money » ont fait évoluer leurs demandes et leurs codes - Depositphotos.com, teamtime
Si le tourisme de luxe en fait parfois trop et tend à dénaturer certaines destinations, force est de constater que les riches du « new money » ont fait évoluer leurs demandes et leurs codes - Depositphotos.com, teamtime
Beau temps pour le tourisme de luxe !

Selon le dernier rapport Virtuoso présenté à la 34e édition de la Travel Week à Las Vegas, les touristes de luxe dépensent 20 fois plus que les touristes « réguliers ».

Mieux, selon la même enquête, ces privilégiés dépenseront 34% de plus qu’avant la pandémie, ce qui fera grimper leurs dépenses de 20 700 USD en moyenne à 27 800 USD ! Et cela par personne.

Ce qui, comparé aux 1 600 euros en moyenne dépensés par une famille française constitue un fossé particulièrement vertigineux. Mais, somme toute peu étonnant.

Encore plus excitant pour les opérateurs de luxe, David Kolner, responsable de la stratégie chez Virtuoso a déclaré que 2023 s'annonce comme un record pour les ventes de voyages de son entreprise. Elles sont en effet d’ores et déjà supérieures de 47% à celles d'avant Covid 2019 !

Autres prévisions globales cette fois, celles du cabinet Bain pour l' « European Cultural and creative industries alliance » (ECCIA), qui regroupe des marques de luxe. Selon celles-ci, ce marché pourrait tripler dans les 10 ans.

Enfin, selon le Luxury Outlook 2022 réalisé par le Boston Institute et le Comité Colbert, l'industrie du luxe est revenue aux niveaux d'avant Covid en 2021 et devrait grimper de 6% par an entre 2022 et 2026.

Elle devrait passer d'environ 388 milliards d'euros en 2022 à environ 494 milliards d'euros en 2026. Mais, près des deux tiers de la croissance de l'industrie proviendront d'autres marchés que l'Europe et les États-Unis entre 2021 et 2025.


Les attentes de la clientèle : entre les « new money » et les « old money »

De tels constats et prévisions peuvent-elles avoir une incidence sur le secteur touristique ?

Bien évidemment. D’une part, elles en ont sur l’offre, d’autre part sur la demande.

Une demande qui présente des similarités mais qui n’en est pas moins plurielle et notamment segmentable en deux grandes catégories : les nouveaux riches (les « new money ») et les riches traditionnels (les « old money »).

Ainsi, alors que les seconds (plus âgés) recherchent le confort, la fonctionnalité, la sécurité à tous les niveaux, notamment sanitaire et désormais climatique, souvent à l’abri de leurs résidences secondaires, et l’entre-soi que leur permettent leurs pratiques sociales, les autres sont en quête des mêmes critères combinés à d’autres.

Lesquels ?

Ils sont plus enclins à rechercher de nouveaux ingrédients, et notamment une extrême personnalisation de leur consommation touristique, si possible teintée d’aventure, leur permettant de se démarquer du vacancier lambda, d’afficher leur statut, et surtout de profiter d’une relative intimité.

Pour eux aussi, l’entre soi a de l’importance mais il n’est pas construit sur les mêmes bases sociologiques.

Leur fortune, récente, ne leur a pas conféré des habitudes familiales et sociales en matière de vacances. Ils sont donc prêts à découvrir de nouvelles destinations, à innover, à prendre des risques dans un nouvel environnement, le tout en dépensant sans compter.

A eux, les villas de luxe dans des destinations exotiques, les locations de yachts extravagants, les restaurants branchés, les discothèques à la mode, les boîtes de nuit, les NFT, le métaverse… car n’oublions pas que souvent plus jeunes, ils sont connectés.

Durable, éthique, engagé

Mais attention, tous les observateurs en conviennent : l’avant-garde des « new money » va aussi plus que jamais vers de l’éco responsabilité donc le durable.

Celle-ci fignole donc les nouveaux codes du luxe passant par la sobriété, la quête d’espace, le dépouillement, la récupération (dans le domaine de la mode l’occasion a le vent en poupe !), etc.

Le tout en économisant et recyclant l’énergie, l’eau, les produits de toilette et surtout en ayant une consommation alimentaire très locale, composée de produits relativement rares…

Pour ces nouveaux riches, il va de soi que la nature joue un rôle majeur dans le décor et l’ambiance proposés. Sans elles, point de luxe, d’où le succès que rencontrent les écolodges qui poussent partout dans le monde et se louent à des tarifs élevés. D’où le succès confirmé du « glamping ».

Autre prise de conscience : le respect des populations locales et éventuellement la réduction de la pauvreté.

Enfin et surtout, l’immense préoccupation « santé «  physique et mentale pour la sauvegarde de laquelle on est prêt à dépenser des fortunes en soins et en activités…

Si bien que, comme l’indiquent de nombreux observateurs, notamment une étude Ifop datant de 2021, le nouveau luxe est en train de se réaffirmer comme un art de vivre et également comme une façon de sécuriser son avenir, privé et collectif. Pour cela, il doit donc être engagé.

L’engagement responsable des acteurs du luxe selon Ifop

Selon un rapport d’Ifop : « l’engagement responsable est clairement un des enjeux majeurs auquel doit faire face le luxe français dès aujourd’hui. Car, pour sa clientèle attitrée, le luxe a un rôle pionnier à jouer sur ces sujets.

De fait, dans un contexte de crise écologique mondiale, pour 85% des clients interrogés dans trois pays, le secteur du luxe doit montrer l’exemple (modes de production, lutte contre le gaspillage). L’intérêt pour les produits de luxe écologiques et responsables est réel et se retrouve partout.

Un glissement vers ces tendances est d’ailleurs à souligner en Chine : si l’excellence reste au cœur des exigences, l’engagement des acteurs du luxe français sera fortement attendue en Chine dans les années qui viennent.

Invités à décrire les deux principales caractéristiques du luxe français au cours des cinq prochaines années, 37% des Chinois citent en premier le mot « responsabilité », avant l’innovation (29%) ou l’excellence (26%)
 ».

Mais où vont aller les moins favorisés ?

Tout va donc pour le mieux. Le risque de voir des destinations touristiques se hérisser de constructions pharaoniques est passé.

Surtout dans ce monde post-Covid où l’on redoute encore la promiscuité, les foules et où l’on fait le lien entre pandémie et changement climatique.

Mais, hélas, comme notre monde ne tourne pas toujours rond, il semblerait que l’explosion d’un tourisme de luxe a donné l’idée à certaines destinations de s’en faire une spécialité au détriment d’autres populations plus modestes.

Un problème ancien, connu et dénoncé partout où il s’est posé. Ainsi, comme le souligne le dernier ouvrage de Jérôme Fourquet, « La France sous nos yeux », une « premiumisation » du tourisme est en marche.

Notamment dans les grandes stations des Alpes dont la fréquentation est redevenue un marqueur social avec des mètres carrés à plus de 10 000 euros et des hôtels-spas de luxe, mais aussi dans certains quartiers des grandes capitales livrés à la spéculation des résidents secondaires et à celle des commerces de grand luxe.

Même tendance au bout du monde dans les derniers eldorados insulaires que sont les Maldives et les Seychelles tandis que des destinations comme le Bouthan ont augmenté leurs taxes d’entrée dans le pays pour en limiter la fréquentation et se positionner d’emblée sur une clientèle très haut de gamme.

Enfin, entrée dans le top 5 des destinations de luxe établi par Virtuoso, il semblerait que la Grèce se sente pousser des ailes. Elle annonce des investissements importants dans les plus attractives de ses îles.

Une stratégie ambitieuse mais guère adaptée à l’évolution souhaitable du tourisme grec. En effet, d’ores et déjà, certaines îles couvertes de boutiques et d'hébergements de luxe sont en voie de dénaturation d’autant plus regrettable que les amas de richesses proposés dans les commerces ne sont pas à la portée des visiteurs arrivés très majoritairement en vols low-cost ! Et surtout à la portée des vacanciers grecs.

Un hiatus qui ne semble pas ébranler le ministère du tourisme grec alors que la presse européenne et française en particulier n’a pas raté l’occasion de noter que cet été, 43% des Grecs contre 41% en 2019 n’ont pas pu se déplacer et séjourner dans leurs îles.

En cause, les tarifs des ferries, de l’essence (2,70 euros par litre en juillet), l’inflation en général et le prix excessif des hôtels !

* Bien que tous les rapports ne soient pas exactement d’accord entre eux, la France, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni sont en tête avec un tourisme de luxe qui dépasse les 20 milliards d'euros.

L'Allemagne capte, elle, entre 5 et 10 milliards d'euros, soit autant que la Suisse. Mais d'autres pays tirent également leur épingle du jeu comme la Grèce à 10 milliards d'euros (7% de son PIB) et le Portugal entre 4 et 6 milliards d'euros.

Josette Sicsic
Josette Sicsic
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com


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Commentaires

1.Posté par Loozap le 01/09/2022 03:52 | Alerter
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Vu l'argent qui est investi il y a de quoi !

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